Aussitôt une équipe UX est réquisitionnée pour réfléchir à chaque détail de chaque écran pendant des semaines.
Les cerveaux des personnes impliquées dans le projet s’approprient progressivement le moindre détail de chaque nouvel écran mis au point.
En meeting, les nouveaux écrans sont présentés à d’autres personnes qui, à leur tour, vont « regarder » les nouveaux composants digitaux au gré de leur adjonction.
En « regardant » durant des semaines chaque détail, tous les cerveaux en surchauffe de vos collaborateurs auront stocké et imprimé non-consciemment chaque partie des écrans.
Excitée comme une puce numérique, l’équipe est prête pour le lancement de son nouveau site/service.
De l’autre côté du miroir, côté clients, c’est une toute autre histoire !
Comme expliqué dans un précédent post, via leur vision périphérique, les clients « voient » à 97% le premier écran complètement flou excepté sur une mini-zone de 2,54 cm.
A partir de ces infos parcellaires, leur cerveau évalue prioritairement et à la vitesse de l’éclair la présence de « prédateurs » dans leur champ visuel afin de les éviter.
Puis, il se met en quête de «proies » potentielles et a fixer les yeux sur celles-ci afin d’en récolter les détails précis.
Dans ce contexte, que croyez-vous qu’il advienne des contenus que vous, concepteurs, jugez nickel et essentiels mais que les clients vont « voir » et classer en un coup d’œil comme « prédateurs » à fuir du regard?
La prise en compte de cette divergence de visions est encore trop peu ancrée dans la conception d’écrans et outils digitaux par les entreprises. La majorité sont conçus … à l’aveugle !
Exemple : la foule de « carrousel » ou de « fonds immersifs » ayant fleuri sur les sites pour tenter de booster la promotion de produits.
Perception du cerveau ? « Ma vision périphérique détecte un grand rectangle. La forme-même de produits/messages dont je n’ai aucun besoin et que, 99% du temps, je zappe. Résultat : j’associe cette forme à la catégorie «prédateur ». Je vais donc éviter de regarder la zone précise qu’elle occupe »
Autre exemple : vous slalomez entre les rayons d’un supermarché, liste de courses à la main, caddie au bout de l’autre.
Votre cerveau « voit » des articles, par milliers. Mais il ne les « regarde » pas vu que votre vision périphérique pré-filtre l’offre pléthorique d’articles. En fait, les fonctions non-conscientes de votre cerveau analysent chaque élément du monde extérieur avant même que vous en ayez conscience ! Arrivé au rayon plats préparés, votre cerveau identifie en vision périphérique et quelques millisecondes, une des « proies » présentes sur votre liste. Il vous stoppe net et envoie les yeux « regarder » le produit de près. « Super, juge-t-il, exactement la lasagne que je cherchais ».
Morale de ces expériences vécues… inconsciemment ?
Il saute … aux yeux que services et produits doivent avant tout être conçus pour la vision périphérique ; être pensés pour aider le cerveau à « voir » l’absence de « prédateur » et à faciliter la détection de « proies » à « regarder » ensuite en détail.
Hélas, plein de sociétés continuent à penser, en dépit du bon sens, que leurs clients « regarderont » servilement tous les composants des écrans de leur site ou tous leurs produits en boutiques.
Alors que le cerveau humain snobe superbement des pans entiers d’infos dont la création se révèle un trou noir aspirant temps, énergie et budgets.
Conclusion
La conception d'expériences utilisateur et de produits digitaux ne peut se faire sans une compréhension profonde de la biologie et du comportement humain.
Les mécanismes de perception, notamment la vision périphérique, jouent un rôle crucial dans la manière dont les utilisateurs interagissent avec les interfaces numériques.
Ignorer ces principes fondamentaux peut mener à des efforts de conception inefficaces, où des éléments jugés cruciaux par les concepteurs sont perçus comme des distractions, voire des menaces, par les utilisateurs.
Il est donc essentiel de repenser nos approches de conception pour qu'elles soient en harmonie avec les fonctionnalités cognitives de notre cerveau.
Je vous invite à regarder l'événement Think Performance organisé par Google lors de laquelle j'ai été invité comme keynote speaker : https://www.sapiensux.com/design-comportemental-conference-ux-design/
Cette prise de conscience ouvre des questions importantes
Comment pouvez-vous intégrer les principes de la vision périphérique et de la cognition non-consciente dans la conception de vos interfaces pour améliorer l'expérience utilisateur ? Quelles méthodes de test utilisateur pouvez-vous mettre en place pour évaluer l'efficacité de vos designs à travers le prisme de ces processus biologiques ?
Quelles stratégies pouvez-vous développer pour mieux comprendre les réactions instinctives des utilisateurs face à différents éléments d'une interface ? Comment vos recherches peuvent-elles éclairer la conception de produits qui s'alignent mieux avec les mécanismes naturels de perception et de décision des utilisateurs ?