De l’aube de l’humanitĂ© Ă nos jours, le système de la rĂ©compense, boostĂ© Ă la dopamine, règne sur nos comportements.Â
D’abord outil de survie, il est devenu le ressort sursollicité de l’ère digitale. C’est cependant au service de l’expérience utilisateur que comprendre le processus de récompense peut amener une différence positive. Il est une des clés de voûte de l'UX Design Comportemental.
Nos vies d’Homo sapiens sont depuis 300.000 ans régies par un système puissant, à la fois moteur et matrice de comportements : celui de la récompense.
 Si comme la sociologue canadienne Nancy Howell on estime qu’une génération d'Homo-Sapiens, depuis 300.000 ans à nos jours, équivaut à 25,5 ans, cela fait donc bien 11.764 générations que l’être humain ne pense qu’à cela, ne vit que pour cela.
La récompense se matérialise sous forme de dopamine, un des tous premiers neurotransmetteurs à avoir équipé les mammifères. Sans doute le plus puissant. Sûrement le plus essentiel à la survie de l’Homo sapiens jusqu’à nos jours.
Au-dessus du cerveau reptilien des premiers hommes s’est développé un cerveau limbique avec pour rôle principal de teinter émotionnellement les expériences vécues.
A l’aube de l’humanité, le mécanisme biologique du système de récompense s’apparente à une grille de lecture rudimentaire revenant à classer la réalité entre deux notions, « prédateur» ou « proie».
Face au premier, s’opĂ©rait une libĂ©ration d’adrĂ©naline; face au second, un shot de dopamine, source de plaisir.Â
L’homme doté d’un système limbique et d’un néo-cortex capables de gérer ses émotions a aussi, contrairement à l’animal, développé la capacité de réfléchir, anticiper, imaginer les situations, stocker des infos.
Comme tous les mammifères, Homo-Sapiens réplique des comportements agréables ou favorables à sa survie et évite ceux qui ne l’étaient pas.
Le système biologique de récompense a installé l’homme dans la répétition de comportements éprouvés, « bons pour lui », et source de plaisir généré chimiquement par la dopamine.
Les 3 piliers du système de la récompense : probabilité, durée, effort
Ces câblages et cette chimie de notre cerveau ont permis notre survie depuis 11.764 générations grâce aux systèmes limbique et de récompense encore opérationnels aujourd’hui. Mais dans un contexte bien différent.
Surtout depuis les 2,6 dernières générations de mister Homo, et ses premiers contacts depuis son apparition sur terre, avec la publicité et le marketing. Et plus précisément depuis 1,3 génération avec ordinateurs, téléphones portables, internet et réseaux sociaux.
Une nouvelle ère a débuté pour notre antique « système de récompense », plus que jamais sollicité pour diffuser sa dopamine. A condition que trois éléments - évalués en permanence par notre cerveau - soient réunis :
- La probabilitĂ© la plus Ă©levĂ©e. Face Ă un choix, surgit toujours la question : ai-je beaucoup ou peu de chance d’avoir ce que je veux? L’adage «un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » rĂ©sume bien le dilemme souvent tranchĂ© par le système limbique en faveur de comportements habituels, garants d’obtenir ce qu’on veut et son shot de dopamine. Â
- Le dĂ©lai le plus court possible. On choisira surtout la rĂ©compense immĂ©diate, plutĂ´t que diffĂ©rĂ©e. Â
- L’effort le moins intense possible. D’oĂą le succès de la rĂ©pĂ©tition de comportements habituels qui nĂ©cessitent le moins d’énergie.Â
Dernière constante : la dopamine rĂ©compense toujours la rĂ©ponse Ă un besoin. Mieux il est comblĂ© par un trio probabilitĂ©-durĂ©e-effort optimal, meilleure et intense sera ma dose de dopamine.Â
L’aire septale à l’ère du UX Design
Sur base de ces critères, on comprend vite comment de boussole de survie depuis le paléolithique moyen, le système de récompense dopaminée, est devenu depuis 20 ans le chouchou de l’ère digitale.
Et pour cause! Google ou Facebook, réseaux sociaux emblématiques en usent et abusent car l’écran (télé, ordi, téléphone portable) est un support hautement « dopamine oriented ». Il offre à l’utilisateur la probabilité élevée de combler son besoin dans un délai hypercourt et en ne faisant quasi aucun effort.
ActivĂ© auparavant de manière plus sporadique et sans excès, le neurotransmetteur du plaisir est sursollicitĂ© par un quotidien digital overstimulĂ©. Le corps en redemande sans cesse. Comme une drogue, sauf que la dopamine est un produit naturel secrĂ©tĂ© par chaque humain, gratuit, disponible en permanence, et dĂ©sormais activable instantanĂ©ment, sans effort, en un coup de pouce sur son smartphone et autres Ă©crans. Jusqu’à l’addiction.Â
Le danger sanitaire est aujourd’hui du côté des mobiles et des réseaux sociaux, porteur d’un risque extrême d’addiction généralisée à la dopamine stockée dans l’aire septale de notre cerveau.
Cette zone du plaisir et du circuit de la récompense fut découverte, par erreur, en 1954 par les professeurs Olds et Milner au cours d’une expérience sur le cerveau de rats soumis à des impulsions électriques visant à dissuader un comportement.
Sauf que chez Jack, un des rats, l’électrode mal placĂ©e lui fera adopter le comportement dĂ©fendu. En fait, chaque choc Ă©lectrique lui procurait un shot de dopamine. Les expĂ©riences suivantes ont montrĂ© que la recherche de dopamine pouvait rendre fou l’animal, jusqu’à en mourir.Â
A l’heure de notre société hyperconnectée, la responsabilité du secteur commercial à envisager avec précaution ce circuit de la récompense est énorme lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins et donc aux motivations de ses publics-cibles.
D’ailleurs, connaître et apprivoiser intelligemment ce mécanisme de récompense, dans l’intérêt des utilisateurs, est une clé centrale pour offrir au public une expérience client améliorée.
Par une expĂ©rience anticipĂ©e en ligne avec une expĂ©rience effective grâce Ă une expĂ©rience proposĂ©e de qualitĂ©. Notamment dans l’architecture de site internet et des parcours proposĂ©s.Â
Ne jamais oublier que …
1
Une expérience utilisateur n’est jamais absolue mais toujours relative.2
Tout le monde ne partage pas les mĂŞmes motivations ni les mĂŞmes Ă©motions positives. Mais que les deux notions sont les moteurs de notre mise en mouvement.3
L’utilisateur a toujours un attendu et veut combler un besoin.
Mais, à l’arrivée, le curseur de son appréciation se basera toujours sur le système de récompense.
La clé d'un UX Design efficace : le système de la récompense
Il est donc essentiel de construire des expériences utilisateur pertinentes et de comprendre ce qui active le circuit de la dopamine. Comment ? Pourquoi ? Dans quel contexte ? Car avant même de poser une action, tout cerveau a déjà fixé le niveau de récompense qu’il en attend.
Ramené à l'UX Design Comportemental, l’examen du système de récompense est capital et repose sur l’analyse de comportements et des réactions enregistrées au cours d’un parcours imposé sur un site.
Un comportement lié à un shot de dopamine aura des caractéristiques observables et sera fonction du rapport entre expérience attendue et expérience vécue.
Entre ces deux moments, une masse d’indicateurs est recueillie via eye tracking (variation du diamètre pupillaire, déplacements oculaires), electro-encéphalogramme (réactions des zones émotionnelles du crâne liées à l’anticipation du plaisir, au plaisir immédiat et à la récompense), voire IRM explorant le système limbique.
A partir des mesures, des verbatims du testé et de données sur l’activation des zones, on peut identifier quand et où a été produite de la dopamine.
Cerner au plus près ce fonctionnement immĂ©morial du cerveau est la clĂ© d’une expĂ©rience client Ă valeur ajoutĂ©e, dans le respect des individus. Surtout dans une sociĂ©tĂ© moderne oĂą ils sont perdus au milieu d’une forĂŞt d’écrans et aspirent Ă accĂ©der vite et avec un minimum d’effort Ă une rĂ©compense quasi-sĂ»re.Â
L'UX Design Comportemental identifie les besoins, motivations, la réalité quotidienne d’utilisateurs de sites et leurs attentes envers leur bon vieux système de récompense. Seules ces données permettent de bâtir des systèmes et des écrans qui fonctionnent.
Tout n’est que comportement avec pour principale clé de lecture le système de récompense imprimé depuis les temps reculés dans le cerveau humain.
Le comprendre, c’est comprendre le quotidien des personnes et leurs motivations, pour les mettre en mouvement vers la meilleure expĂ©rience client.Â
Comme le clamait Howard Schulz, fondateur de la chaîne de café Starbucks: « pour amener une différence positive dans la vie des gens ».
Alors, une entreprise doit-elle avoir des troupes d'UX Designers ou internaliser des compétences de pointe en Design Comportemental ? En voilà une bonne question.