Le dogme de homo Ćconomicus posant des choix rationnels et conscients est une fable rassurante qui nâa que trop durĂ©. Aux Ă©motions de reprendre leur droit pour optimiser lâexpĂ©rience client.
Pendant des dĂ©cennies, la thĂ©orie du choix rationnel et son incarnation baptisĂ©e « Homo Ćconomicus » ont balayĂ© la prise en compte de lâĂ©motionnel dans le processus de choix et de dĂ©cision des individus. Cette doxa Ă©crasante a longtemps faussĂ©, voire neutralisĂ©, toute vision alternative.
Heureusement, de nouvelles recherches laissent entendre de nouvelles voix, ouvrant de nouvelles voies. Mais pilule, quâest-ce quâon revient de loin ! Au moins de 1952. Cette annĂ©e-lĂ , le mathĂ©maticien John von Neumann et lâĂ©conomiste Oskar Morgenstern co-signent un article dĂ©crivant les « consommateurs » comme des ĂȘtres rationnels, ordonnant leurs choix sur base de critĂšres objectifs.
Le duo y vante la « fonction de prĂ©fĂ©rence » qui guiderait les comportements des consommateurs : toute personne serait parfaitement capable dâidentifier consciemment ses besoins, de les classer selon ses prĂ©fĂ©rences, et de toujours chercher Ă obtenir une satisfaction (basĂ©e sur lâutilitĂ©) la plus Ă©levĂ©e possible en utilisant sa raison. Bref, tous les choix du consommateur seraient rationnellement et consciemment posĂ©s.
Voici donc SuperRatio ! consommateur de biens et de services dotĂ© dâune vue infaillible sur sa conso. Quâil maĂźtrise en pleine conscience vu quâil est super-informĂ©, hyper-organisĂ©, super balĂšse en choix cohĂ©rents⊠Homo Ćconomicus Ă©tait nĂ©, consacrĂ©, scientifiquement validĂ©. Cette notion abstraite devenue norme de pensĂ©e a dominĂ© durant sept dĂ©cennies la modĂ©lisation d'un client sous forme dâĂ©quation mentale consciente et rationnelle.
Ăa ne vous rappelle pas un hĂ©ros tĂ©lĂ© bien connu ? Monsieur Spock bien sĂ»r !, le Vulcain de la sĂ©rie Star Trek, aux oreilles aussi pointues que sa logique pure et le contrĂŽle total de ses Ă©motions⊠Comme si le cerveau avait Ă©tĂ© conçu pour ĂȘtre exact avant dâĂȘtre rapide.
Stop Ă Homo Ćconomicus ! Illusion que tout cela. Mais si difficile Ă effacer aprĂšs 70 ans de bourrage de crĂąne au nom de la dĂ©esse « raison ».
Par exemple, les sociétés persistent à questionner en priorité leur client sur ses préférences et les raisons de ses choix :
- « Quels sont vos besoins ? »,
- « Ătes-vous satisfait de nos services ? »,
- « Comment évaluez-vous notre produit comparé à celui de nos concurrents ? »,
- « Pourquoi avoir posĂ© ce choix? »âŠ
Logique, simple, rapide⊠Surtout trĂšs rassurant pour lâentreprise se rĂ©fugiant dans cette rationalitĂ© pseudo-infaillible du client ! Le marketing nâa plus quâĂ modĂ©liser ses rĂ©ponses « logiques » en une stratĂ©gie UX Ă dĂ©ployer vers le marchĂ©. Et le tour est jouĂ© !
Pas si vite⊠Songez Ă vos expĂ©riences dâas du caddie lĂąchĂ©s en grande surface. SĂ©rieusement, face Ă des centaines de milliers dâarticles, comparez-vous vraiment de façon logico-rationnelle, sur base de critĂšres objectifs, ces constellations dâalternatives avant de choisir la meilleure ? Vous opĂ©rez des choix cohĂ©rents, « calculatoires », pour maximiser « lâutilitĂ© espĂ©rĂ©e» ?
Bien sĂ»r que non. DâoĂč les loupĂ©s rĂ©guliers dâune tripotĂ©e dâentreprises face Ă lâindomptable expĂ©rience client.
MĂȘme en disgrĂące, cette incarnation du dogme rationnel continue Ă exercer une certaine influence sur les pratiques et approches de la majoritĂ© des organisations.
Question : quelle marque trĂšs cĂ©lĂšbre sera dâaprĂšs vous la vedette de notre prochain post pour illustrer cette dĂ©bĂącle de la raison quand il sâagit dâĂ©laborer une stratĂ©gie commerciale ? Indices : câest brun et ça pĂ©tille. Câest, câest⊠?