Le cerveau de Sapiens versus celui d' Homo Economicus. Alors que l’imposture du second se confirme, le premier mérite qu’on redore son blason forgé par 11.764 générations d’humains.
Malgré les preuves scientifiques de « l’irrationalité » des clients et les couacs économiques successifs que le monde a vécus, notamment la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers en 2008, le concept de « l’Homo-Œconomicus » sévit toujours.
Même en disgrâce, cette incarnation du dogme rationnel continue à exercer une certaine influence sur les pratiques et approches de la majorité des organisations.
En 2008, année de crise majeure, la Reine d’Angleterre interpella les économistes de la prestigieuse London School of Economics d’un cinglant : « Comment se fait-il que personne n’ait rien vu venir ? ».
L’économiste américain Paul Krugman résuma la situation en ces termes : « La science économique a été au mieux spectaculairement inutile, au pire carrément nocive ».
Nous ne sommes définitivement pas des « Homo Economicus », notion inventée de toutes pièces, mais bien des «Homo-Sapiens ».
Hélas, sans réhabiliter le fait que les origines de notre fonctionnement cérébral actuel remontent bien à plus de 300.000 ans et sans comprendre et changer les fondamentaux de « l’expérience client », les mêmes problèmes sont appelés à se répéter.
Comme un virus façon Covid qui infecte une structure sociale ou une organisation,
« Homo Economicus » ne fait que muter.
Même si les faits forcent les organisations à considérer que « Homo-Œconomicus » est bien un client fictionnel, un persona ayant perdu toute crédibilité, le virus utilise le métabolisme et les constituants de l’entreprise pour se construire un variant et donc ne jamais totalement disparaître.
Camouflé sous des termes séduisants comme « UX », « expérience client », « biais cognitifs », « moments d’enchantement », « convoquer les émotions », ou sous couvert d’un « Net Promoter Score », le paradigme erroné continue, peu ou prou, à sévir. Ce tour de passe-passe rassure les directions et les dispense d’évoluer en profondeur.
Dans un article de 2011, la sociologue Nancy Howell de l’Université de Toronto a calculé l’intervalle séparant deux générations de « Homo-Sapiens », et ce depuis 300.000 ans. La scientifique a évalué une génération à 25,5 années.
Un simple calcul nous permet donc d’estimer le nombre de générations de Sapiens jusqu’à ce jour à … 11.764 !
Sur 11.764 générations, seules 2.6 ont été en contact réel avec le marketing.
Et seulement 1.3 génération d’êtres humains manipulent massivement ordinateurs, téléphones mobile, cloud et autres bidules numériques …
La confrontation du cerveau de « Homo-Sapiens » avec le marketing, l’e-commerce et Tik-Tok ne s’est donc faite que très, très, très tardivement comparé aux générations de nos ancêtres ayant usé de leur cerveau en priorité pour survivre.
Parmi ces aïeux, quel est d’après vous le plus « proche » de nous ? Triple choice : l’éleveur-ensemenceur ? le chasseur-cueilleur ? ou le butineur-élagueur ?
Conclusion
L’expérience humaine, riche de 11.764 générations, témoigne de la complexité et de la profondeur du comportement de « Homo-Sapiens », bien éloigné de la figure simpliste de l' « Homo-Œconomicus ».
Les récents échecs économiques et les mutations constantes de ce concept erroné mettent en lumière la nécessité d'une évolution des pratiques en entreprise, vers une compréhension plus authentique et nuancée de l'expérience client.
Il est impératif de reconnaître la dimension irrationnelle, émotionnelle et profondément humaine des consommateurs pour répondre efficacement à leurs besoins réels et construire des relations durables.
L'heure est venue de délaisser les paradigmes obsolètes au profit d'approches qui prennent en compte la richesse et la diversité du comportement humain.
Questions à méditer
Comment pouvez-vous intégrer la compréhension profonde du comportement « Homo-Sapiens » dans la conception de produits qui résonnent véritablement avec les utilisateurs, au-delà des simples réactions aux stimuli de marketing ?
De quelle manière vos méthodologies de recherche peuvent-elles évoluer pour mieux saisir la complexité des comportements humains et ainsi dépasser les limites de l’ « Homo-Œconomicus » dans l'analyse des besoins des utilisateurs ?