Les mots émotions et sentiments sont souvent employés comme s’ils étaient interchangeables. Alors qu'il existe une différence majeure entre eux.
Depuis des années, des termes comme « design émotionnel », « faire du Waouw », « enchanter nos clients », « sublimer leurs émotions », « cette pub est plus émotionnelle que l’autre », … pleuvent.
Cette confusion terminologique n'est pas anodine, surtout dans le monde du digital, du marketing et de la vente, où comprendre et utiliser correctement la différence entre « émotion » et « sentiment » peut transformer radicalement l'impact d'une campagne, d'un produit ou d'une vente.
En effet, alors que les émotions peuvent être évoquées de manière instantanée, les sentiments, eux, se forment sur une période plus longue et influencent moins directement les actions immédiates.
Lorsque les professionnels du marketing et du digital confondent ces deux notions, ils risquent de manquer des opportunités cruciales pour engager leur audience de manière efficace.
Par exemple, une campagne visant à susciter une émotion spécifique pourrait échouer si elle s'adresse au registre plus lent et plus réfléchi des sentiments, perdant ainsi son potentiel d'impact immédiat sur le comportement du consommateur.
De plus, une interface utilisateur, une publicité ou un contenu marketing conçu avec une compréhension profonde des émotions peut captiver et engager presque instantanément, conduisant à des actions rapides et décisives.
À l'inverse, s'adresser aux sentiments requiert une approche différente, souvent plus narrative et impliquant une construction plus complexe, visant à créer une connexion durable et profonde avec l'utilisateur / le client.
C’est quoi une « émotion » ?
Étymologiquement, le mot « émotion » vient de la racine latine « motio » signifiant
« mouvement ».
Selon Antonio Damasio, spécialiste de l’étude neurologique de l’émotion à l'University of Southern California, les « émotions » sont à l’origine de tous nos comportements et pensées.
Grâce à des techniques biométriques, Damasio a mesuré que les émotions permettent d’orienter non-consciemment les décisions de « Homo-Sapiens » vers les options qu’il estime les plus favorables.
Le chercheur a validé que des signaux sont émis des profondeurs du système « émotionnel » et suivent un processus de sélection ... avant même que nos capacités de réflexion ne soient sollicitées.
Sans émotion, pas de mise en mouvement et pas de comportement.
Une « émotion » forte, ça se ressent. Mais une émotion plus atténuée n’en est pas moins présente ! Donc durant votre journée, vous avez en permanence des émotions.
D’autres spécialistes, comme Nico Henri Frijda, psychologue et prof à l'Université d'Amsterdam, confirment à leur tour que « les émotions sont essentiellement des préparations à l’action ».
Les travaux du Suédois Arne Öhman au Département des Neurosciences Cliniques du Karolinska Institute de Stockholm attestent que « l’émotion » oriente l’attention par le biais de routines automatiques, dites « pré-attentionnelles ».
Et le « sentiment » dans tout cela ?
Lui, provient du latin « sentire », sentir. Il réfère à ce que nous ressentons consciemment par les sens ou l’intelligence.
Les sentiments se manifestent donc à nous bien plus tardivement que les émotions, précisément au moment où notre cerveau commence à intégrer les émotions, à les laisser pénétrer nos pensées conscientes.
Là où les émotions sont à l’origine d’un comportement, les sentiments sont une construction mentale, un état affectif d’ordre psychologique. Les sentiments sont donc alimentés par les émotions et non l’inverse.
Dans un monde où quelques fractions de secondes de retard pouvaient faire la différence entre la vie et la mort, le décalage temporel entre émotion et sentiment était essentiel. La nature s’est donc adaptée.
Si l’unité temporelle de nos sentiments est la seconde, celle des émotions, en coulisses, tient de la milliseconde.
Le monde des émotions est donc 1.000 fois plus rapide que celui de la raison et du sentiment.
Conclusion
La distinction entre émotions et sentiments est cruciale, non seulement dans notre compréhension de la psychologie humaine mais aussi dans son application pratique dans les domaines du marketing, de la vente, du design UX/UI, et de la recherche UX.
Comprendre cette différence et l'appliquer de manière stratégique peut transformer l'efficacité avec laquelle nous engageons notre audience, concevons nos produits et conduisons nos campagnes marketing.
Les émotions, agissant comme des déclencheurs immédiats, peuvent être exploitées pour provoquer des réactions rapides, tandis que les sentiments, se développant sur une période plus longue, peuvent contribuer à bâtir une relation durable et profonde avec les clients.
En saisissant cette nuance, les professionnels peuvent affiner leurs stratégies pour toucher plus efficacement leur public cible, en suscitant non seulement une action immédiate mais aussi en cultivant une loyauté à long terme.
Questions pour stimuler la réflexion
Comment intégrer la compréhension des émotions dans la conception des interfaces pour améliorer l'engagement utilisateur instantané ? Quelles méthodes de design émotionnel pouvez-vous mettre en place pour susciter des réactions immédiates tout en préparant le terrain pour des sentiments plus durables ?
De quelle manière pouvez-vous adapter vos méthodes de recherche pour distinguer l'impact des émotions des sentiments dans l'expérience utilisateur ? Comment cette distinction influence-t-elle la manière dont vous interprétez les données et tirez des conclusions sur le comportement des utilisateurs ?