Alors que le « Design Thinking » sâest rĂ©pandu dans nombre dâentreprises, Lee Vinsel, professeur de Science et Technologie au Virginia Polytechnic Institute and State University, se livre lui Ă une critique acide de cette mĂ©thode de gestion analytique et intuitive de lâinnovation, et de toutes les techniques « Buzz Word » qui y sont associĂ©es.
Son essai sâintitule « Le Design Thinking est un peu comme la syphilis - c'est contagieux et cela pourrit votre cerveau ».
Houlala, bazooka ! VoilĂ quelquâun qui sâattaque Ă la sacro-sainte technique du « Design Thinking », nouvelle panacĂ©e qui offrirait enfin Ă chaque employĂ© la chance de faire de « lâexpĂ©rience client » âŠ
- ⊠en sept étapes (2) : définir, rechercher, imaginer, prototyper, sélectionner, implémenter, apprendre ;
- ⊠ah non, pardon, excusez-moi une autre source parle de 5 étapes : définir, imaginer, synthétiser, prototyper, tester (3) ;
- ⊠heu, navré, une troisiÚme source parle de 3 étapes : inspiration, imagination, implémentation (4).
(2) Rolf Faste, Bernard Roth and Douglass J. Wilde, « Integrating Creativity into the Mechanical Engineering Curriculum », Cary A. Fisher Ed., ASME Resource Guide to Innovation in Engineering Design, American Society of Mechanical Engineers, New York, 1993.
(3) « Design Thinking Bootleg » d.school, Hasso Plattner Institute of Design, Université Stanford
(4) « Tim Brown, Tim Brown urges designers to think big », TED Conference, 2009.
Je vous sens confus ... ? Confidence pour confidence, moi je suis complĂštement perdu.
Mais voici une autre explication pour peut-ĂȘtre nous sauver : « Le design thinking est aussi Ă la base du design sprint, mĂ©thode de co-crĂ©ation inventĂ©e par Jake Knapp de Google Ventures ». Mazette, encore une autre technique ! DĂ©cidĂ©ment, plus on creuse, plus on sâenfonce dans le vague.
Essayons quand mĂȘme de rĂ©sumer grossiĂšrement le principe :
Vous mettez dans une mĂȘme piĂšce pendant 2 jours 15 personnes avec des compĂ©tences diverses, dont aucune n'a Ă©tĂ© formĂ© sur comportements humains, qui nâont pas dĂ» voir de vrais clients depuis des mois.
Toute cette troupe dâapprentis concepteurs se lance alors dans 7, 5 ou 3 Ă©tapes de « Design Thinking » matĂ©rialisĂ©es par les fameux « Post-Its » (ces petits bouts de papier collants de toutes les couleurs), et au terme de leur « parcours », lâidĂ©e du siĂšcle sâaffiche sur le flipchart multicolore.
Source : https://thecxlead.com/
Le prĂ©cieux concept se retrouvera dare-dare sauvegardĂ© en quelques slides PowerPoint et dĂ©clinĂ© en quelques Ă©tapes. Le tout bien sĂ»r mouchetĂ© dâune pluie de smileys cools et sympas.
Source : https://thecxlead.com/
Et pan dans les dents ! Une séance de « Dental Thinking » ?
Imaginez-vous au bureau quand soudain une de vos dents diffuse une douleur lancinante. Allo, dentiste ?
La secrĂ©taire vous organise un rendez-vous en urgence. InstallĂ©(e) dans la salle dâattente que vous connaissez bien, vous voyez plusieurs personnes, dont la secrĂ©taire, affairĂ©es autour dâun tableau blanc sur lequel sâĂ©talent diffĂ©rentes Ă©tapes thĂ©oriques par lesquelles devrait passer chacun des patients, dont vous.
A chaque Ă©tape est associĂ©e un niveau dâĂ©motion symbolisĂ© par un smiley.
Heureusement, un consultant encadre cette séance de « Dental Thinking ».
Vous voilĂ rassurĂ©(e) car en plus de la secrĂ©taire, lâĂ©quipe est aussi composĂ©e du comptable du cabinet dentaire, dâun vendeur de matĂ©riel et dâun stagiaire dentiste que vous nâavez jamais rencontrĂ©.
Car, comme souvent admis aujourdâhui, le croisement de leurs expertises a permis, grĂące au « Dental Thinking », dâinnover et de crĂ©er une liste dâactes dentaires que le petit groupe est impatient de mettre en application ⊠Sur vous.
Câest enfin votre tour dâĂȘtre soignĂ©. Vous considĂ©rant comme parfaitement rationnel, je vous demande la rĂ©ponse que vous feriez Ă la secrĂ©taire lorsquâelle vous inviterait Ă prendre place :
- a) « oui, je suis intĂ©ressĂ© dâessayer votre innovation »
- b) « finalement je nâai plus mal Ă la dent, je vous rappelle si la douleur revient »
Vu le nombre dâinnovations qui se soldent par la mort du produit/service, il semblerait bien que le « Design Thinking » ne soit pas la solution.
La pĂ©riode dâincubation du virus « Design Thinkingus » est trĂšs courte mais les entreprises restent contagieuses sur de nombreuses annĂ©es. Il est urgent de prendre des mesures sanitaires afin de casser les chaĂźnes de transmission en isolant le virus.
Concernant le virus « Design Thinkingus », je vous conseil de mĂ©diter sur la loi de Fred Brooks, auteur de l'un des plus grands classiques du gĂ©nie logiciel « Le mythe du mois-homme » dans lequel il dĂ©montre quâavec la meilleure volontĂ© du monde, mĂȘme accompagnĂ©es dâun animateur consultant, « neuf femmes ne font pas un enfant en un mois ».
Et si nous complĂ©tions son analogie par lâimportance des compĂ©tences nĂ©cessaires pour enfanter ? Je vous laisse imaginer vos chances de succĂšs si vous remplacez les 9 femmes par des hommes, mĂȘme en leur laissant 9 mois de projet đ