Le 28 juin 2024, Nike a subi le plus grand effondrement boursier de son histoire. En une seule journée, l’entreprise a perdu 25 milliards de dollars, soit 32 % de sa valeur de marché.
Les explications simplistes n’ont pas tardé : certains ont voulu attribuer cette chute à des « woke antics », mais la vérité est bien plus préoccupante – et surtout, bien plus instructive. Le véritable coupable ? Une dépendance aveugle à la data et aux modèles théoriques, déconnectés du réel.
Nike est tombé dans le piège qui guette toutes les grandes entreprises : croire que l’expérience client peut être modélisée sur des slides PowerPoint, pilotée à coup de sondages, et optimisée via des algorithmes.
Résultat ? Un gouffre entre ce que l’entreprise pense offrir et ce que les clients vivent réellement.
L’illusion du l’expérience client
Se déclarer « customer-centric » est devenu un mantra marketing. Mais dans la réalité, cela se réduit souvent à :
Problème : ce que les consommateurs disent vouloir n’a souvent rien à voir avec ce qui déclenche réellement leurs décisions.
Un exemple ? Demandez à quelqu’un pourquoi il a acheté une Tesla. Il vous parlera d’écologie, d’innovation, de performance. Mais la vraie raison ? L’image de marque, le statut social et l’émotion ressentie.
Nike a échoué précisément là-dessus générant une baisse inattendue de son chiffre d’affaires pour l’exercice 2024-2025. Baisse dûe à une perte de parts de marché au profit de marques émergentes telles que On et Hoka.
La stratégie de Nike, notamment sa dépendance accrue aux ventes en ligne et la réduction de ses partenariats avec des détaillants traditionnels, a favoriser la montée de concurrents.
Ce qu’il y a de dingue c’est que cette stratégie a été élaborée sur base d’analyses CX de plusieurs cabinets de conseil de renom. Déconnectés de la réalité de terrain.
Ils ont cru que leurs analyses data les rendaient « customer-centric », alors qu’en réalité, ils étaient en train de perdre l’essence même de leur marque.
En expérience client, le mythe du client rationnel est tenace …
Nike n’est pas le seul à être tombé dans ce piège. Des centaines d’entreprises construisent encore leurs stratégies sur une vision confortable du consommateur : un être rationnel qui analyse froidement les options et prend la meilleure décision.
Sauf que cette vision est FAUSSE. Les sciences comportementales montrent que 80% des décisions humaines sont traitées par des zones émotionnelles du cerveau.
L’expérience client n’est pas une construction logique. Elle ne se crée pas en réunion. Elle se vit, elle s’éprouve, elle se ressent par les clients.
Ce que les clients perçoivent n’a souvent rien à voir avec ce que les entreprises imaginent leur offrir.
Nike l’a appris à ses dépens.
Lors que l'on parle de mesures de l'expérience client, l’illusion des sondages est encore bien présente.
Nike pensait avoir une vision claire de son public. Erreur fatale.
Leur approche ?
- Poser des questions aux clients au lieu de les observer.
- Se fier aux réponses déclaratives au lieu d’analyser les comportements réels.
- Optimiser des KPI et des dashboards au lieu d’expérimenter sur le terrain.
Les études de marché donnent l’illusion de comprendre le consommateur. Mais elles mesurent ce que les gens pensent… pas ce qu’ils ressentent, et encore moins ce qu’ils font.
A trop vouloir « optimiser » l’expérience client via des data aseptisées loin des vrais clients, ils ont fini par la diluer sans s’en rendre compte.
Le vrai défi de l’expérience client : comprendre le cerveau du client
Si Nike (et d’autres) veulent éviter ce type d’erreur, elles doivent changer de paradigme.
Les mesures de l’expérience client ne racontent pas toujours la vraie histoire.
Récemment, nous avons accompagné deux grandes entreprises. Dans les deux cas, les indicateurs présentés au management donnaient une image rassurante … mais totalement déconnectée de la réalité client.
Premier cas : dans un groupe industriel, un Executive Summary en PowerPoint affichait un score de satisfaction de 74 % sur la facilité de recherche sur le site.
Pourtant, en étant sur le terrain avec les clients, le problème n°1 cité par les clients était ... un moteur de recherche inefficace.
Deuxième cas : dans une entreprise d'énergie, la direction faisait confiance à un score de satisfaction client de 85 %.
Pourtant, chaque année, 20 % des clients partent à la concurrence et 24 % y pensent.
Pour une expérience client efficace : écoutez moins les consultants, comprenez vraiment vos clients
Nike ne s’est pas effondré à cause d’un manque de data ou d’une mauvaise exécution digitale. Nike s’est effondré parce qu’il a perdu son ADN.
Ses chaussures ne sont pas juste des chaussures. Elles sont un marqueur identitaire, un artefact culturel, un symbole de statut.
Le vrai échec de Nike, ce n’est pas une erreur de stratégie digitale. C’est d’avoir oublié pourquoi ses clients aiment la marque.
Et vous ?
Vos décisions reposent-elles sur ce que vos clients disent, ou sur ce qu’ils font vraiment ?
Avez-vous une vraie vision de leur expérience, ou un dashboard rassurant mais déconnecté du terrain ?
Les marques qui gagnent sont celles qui voient au-delà des chiffres. Celles qui comprennent que l’émotion et l’instinct client sont leur actif le plus précieux.
Ne tombez pas dans le piège de Nike. Ouvrez les yeux sur la réalité de vos clients.